notre concept dressage tendresse

par Michel Hasbrouck

L’instructeur doit, lui-même, instruire le chien d’abord. C’est lui l’expert.

Le maître voit alors que son chien est très capable d’obéir, il a envie d’obtenir lui-même ce résultat. Il est motivé.

L’instructeur instruit alors le maître.

concept : Le dressage tendresse
Appuyé sur une longue pratique préalable du dressage de compétition, de la pédagogie, et du commandement, je suis devenu dresseur canin professionnel grand public en 1986.


Je n’ai rien inventé, je suis une éponge, j’ai vu et réfléchi, j’ai absorbé et digéré, puis j’ai filtré le tout et enfin j’ai constitué mon propre concept, qui doit énormément aux dresseurs de concours, et à un autre homme, mon premier Inspecteur départemental de l’éducation nationale, monsieur Lefevre.
J’avais, jeune instit, écrit une dissertation où je citais des phrases issues de philosophes à la mode comme Rabindrana Tagore, parce que ça faisait bien. Et il avait écrit à chaque citation pédante « êtes-vous certain de ce que vous avancez ? »

Depuis, je cherche à vérifier si ce que je dis et fais est juste.
Je pense qu’il faut tendre à cela, au risque de n’être que des tables des matières de jolis catalogues de salles d’attente.
J’ai très vite senti que ma doctrine, sous la bannière du « dressage-tendresse », encore en phase de mise au point, se développait dans un sens assez novateur.


C’est ce concept, neuf et ancien à la fois, que je présente dans « Le Dressage-Tendresse ». Le succès de ce petit livre, sorti chez Marabout en 1994, me laisse pantois : depuis janvier 2007, il est pratiquement en continu en tête des ventes des livres pour animaux sur amazon.fr, le plus grand vendeur au monde de livres en français.

Le 26 avril 2007, il était en septième position des ventes tous sujets et tous auteurs confondus. Depuis octobre 2007, dans sa version anglaise, « Gentle Dog Training », il est distribué à travers les cinq continents. Probablement le premier livre en français sur le dressage de chiens qui a été traduit et sera commercialisé en anglais.
Et en italien aussi, “Il metodo gentile”.


Alain Brisach, dogmaster de ma formation, diplômé de l’École psychiatrique de Palo Alto, et ancien élève de Boris Cyrulnik, m’a expliqué que je mets totalement en application les principes de l’école californienne de la “thérapie brève”. Le tout, sans le savoir.


Jonathan Deniel, chercheur en sciences cognitives, diplômé de l’Université Gustave Eiffel, à Lyon, a apporté son concept de théorie naïve pour expliquer pourquoi les gens en général, et les maîtres en particulier, s’accrochent à des habitudes parfois bien anciennes.
J’utilise mon « approche systémique », face à tous les maîtres et tous les chiens. Il s’agit toujours, en six ou sept heures sur un jour et demi, d’installer ou de perfectionner une relation simple et harmonieuse, du chiot ou du chien sans problème, jusqu’au garou dangereux qu’il faut sauver de l’euthanasie.


L’approche analytique cartésienne
Descartes, l’immense mathématicien et philosophe français, a donné au 17ème siècle les principes qui ont permis la naissance de la science occidentale moderne, et l’essor extraordinaire de la civilisation occidentale. En gros, pour lui, il fallait procéder par divisions. L’idée est claire : on part de l’ensemble, on le partage en un maximum de morceaux, on étudie à fond chacun de ces morceaux, ce qui permet d’expliquer comment fonctionne le tout.
On part du connu simple pour aller vers la compréhension encore inconnue des ensembles compliqués.
Pour une automobile, c’est parfait. Si tous les roulements à billes, les pistons, les boulons, sont chacun en bon fonctionnement, alors l’ensemble mécanique peut travailler correctement.
Cette approche analytique a conduit aux expériences célèbres de Pavlov ou de Skinner. On observe chacun des gestes d’un animal, on met l’ensemble des observations dans un livre, ce qui permet de comprendre la personnalité et le comportement de tous les animaux.
Mais, depuis le début du 20ème siècle, la science s’est aperçue que l’approche cartésienne ne convient pas aux organismes complexes. Dans l’infiniment petit par exemple, la seule présence de l’observateur, de l’œil du savant derrière son appareil perfectionné, modifie les trajectoires des particules.
En ce qui concerne les disciplines humaines, les plus complexes qui soient, il a donc bien fallu se détacher peu ou prou des idées de René Descartes.


L’approche cybernétique wienerienne

En 1948, un formidable mathématicien, Norbert Wiener, établit une autre philosophie des sciences, la cybernétique, qui prend en compte les systèmes complexes.
Selon Wiener, ces systèmes possèdent des caractéristiques particulières, qui dépassent les caractéristiques de chacun de leurs composants. Je détaille par exemple dans « Le Dressage Tendresse » le mécanisme de « la résultante des excitations » chez le chien.
On ne cherche plus à comprendre comment fonctionnent les pièces de la machine. Maintenant, on observe la machine elle-même, toutes les informations qui lui parviennent, qui la parcourent, et ses réactions. Ainsi, on finit par comprendre son système de commande et d’autocorrection.
Cette théorie fournit à la science en général une attitude très enrichissante, qui permet des avancées impressionnantes. L’informatique n’aurait jamais existé sans l’approche cybernétique.
Dans le domaine des sciences sociales, donc de la psychologie, la cybernétique a conduit à l’élaboration de l’approche systémique moderne, avec Gregory Bateson et l’école de Palo Alto, qui analyse les systèmes autocorrecteurs, et l’interaction entre les individus par le biais des informations qui s’échangent entre eux.


Pour ma part, dès le début, je me suis forcé à me concentrer sur l’enrichissement de la relation chien/maître, enrichissement qui engendre une logique de progrès.
Ainsi, dans le domaine du dressage de chiens pour sourds, que j’ai lancé en France en 1987, je me suis aperçu que cette prise en charge globale conduisait à un véritable mécanisme d’autodressage chez le chien. A partir de son dressage réussi en face de quelques bruits particuliers, choisis par le dresseur, le chien de lui-même réagit ensuite intelligemment à d’autres bruits, sans avoir été dressé pour ceux-là.


Dans le droit-fil de l’approche systémique, en ayant flairé depuis longtemps qu’il fallait s’attacher aux situations d’ensemble et d’aujourd’hui, et pas aux explications de détail du passé, j’ai ainsi construit ma méthode : le chien difficile se guérit facilement et rapidement si je réorganise correctement l’ensemble de la machinerie qui l’entoure, et, ensuite, si je forme bien son maître.


Les vieux dresseurs ont toujours eu coutume de dire qu’il fallait dresser le maître avant de dresser le chien. Pour ma part, je pense et je fais le contraire.
J’ai beaucoup travaillé la technique de l’apprentissage du maître, en m’appuyant ici aussi sur la conviction que les fautes du maître ne sont pas des maladies, mais de simples erreurs provenant de carences techniques, installées généralement par des conseils hasardeux glanés ici ou là, au travers de lectures, ou de discussions de cafés du commerce, avec ceux que j’appelle les « dresseurs Kronenbourg ».
Ou avec de soi-disant spécialistes qui, s’appuyant sur des connaissances livresques, restent fort vagues, ou alors donnent des conseils dramatiques du genre « une bonne raclée, ça n’a jamais tué un chien ». Justement, si, directement, ou par ricochet, quand le chien se rebelle enfin.


Aujourd’hui, trois écoles de psychologie se sont installées :
-les méthodes psycho-actives, avec les psychanalystes et les psychologues,
-les thérapies cognitivo-comportementalistes, les TCC, le lieu des éthologues et des comportementalistes,
-et les ensembles systémiques, avec l’école de Thérapie Brève de Palo Alto, basée sur une attitude “stratégique et interactionnelle”.


L’approche systémique du Mental Research Institute de Palo Alto se fonde sur 10 principaux concepts :

1. pragmatisme

2. interactions

3. non pathologisation

4. stratégies

5. maîtrise du métier

6. manipulations physiques

7. thèmes des tentatives de solution & demi-tours

8. implication du client

9. changements & crises

10. éthique & déontologie

Ces concepts, je les applique tous dans mon action de professionnel de l’instruction et du dressage de chiens.
1. pragmatisme

Je m’appuie sur un savoir-faire développé par une longue pratique, en constante évolution, en vue d’en améliorer sans cesse l’efficacité, donc la qualité du résultat obtenu, en privilégiant l’économie des moyens mis en oeuvre pour atteindre ce résultat le plus rapidement possible.
Je ne fais jamais de psychanalyse de bazar (je sais, c’est un pléonasme…) Je n’essaie pas de percer à jour les ressorts profonds de chaque personne qui vient chez moi. Je ne juge pas les maîtres, je ne les condamne pas, je me contente de les servir et de les accompagner

2. interactions

Mon travail est focalisé sur la construction de relation justes, fortes et « amoureuses » entre le dresseur et le chien, puis entre le maître et son chien, notamment en leur apprenant à se concentrer sur l’autre, à se récompenser mutuellement quand cette concentration s’installe, et à se sentir malheureux quand elle disparaît.

3. non pathologisation

Ma conviction est établie : un chien à problèmes n’est pas un chien malade. Il ne réclame pas de médicaments. Il s’est seulement construit face à la vie une attitude qui lui est imposée par les actions malfaisantes des humains envers lui. Je détruis les dressages inverses, effectués efficacement mais malheureusement par les êtres humains. J’instaure à leur place des mécanismes sains. Il n’y a pas de cas désespéré.

4. stratégies

Tout mon travail est effectué en fonction des objectifs du maître, sur le “comment y parvenir” et non sur les causes historiques et hypothétiques du comportement du chien. Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les causes des problèmes, ce sont les solutions, et les stratégies à mettre en œuvre pour les résoudre en un jour et demi.
Mon déroulement est écrit. Tout, dans le détail. Je n’avance jamais au hasard. C’est un des éléments les plus difficiles à intégrer pour les gens qui viennent en formation de dresseur chez moi. J’ai déterminé un mode opératoire très précis, qui fonctionne. Je ne m’en écarte pratiquement jamais, seulement dans des cas très particuliers et rares, lorsque le maître n’a aucune force physique par exemple. Là, j’ai d’autres stratégies.

5. maîtrise du métier

Large compétence et, j’ajoute, bonne humeur, sont indispensables si on veut pouvoir captiver le maître et son chien. Car l’un comme l’autre détectent très vite les hésitations, les failles techniques, chez un dresseur.
Et, même si l’ensemble d’un stage doit se dérouler dans le plaisir, je dois pouvoir, sans délai, réagir clairement devant les erreurs de mes élèves. Car je ne suis pas un prêtre, je suis un dresseur de chiens. Et mes clients ne viennent pas me voir pour que je leur fasse part de doutes.
J’exige des chiens et de leurs maîtres qu’ils fassent vite et bien ce que je leur dis de faire, surtout que c’est nouveau pour eux, et surtout que mes exigences n’ont rien de barbare.
Alain Brisach répète plaisamment qu’au Centro di Terapia Strategica, d’Arezzo, une intervention de Giorgio Nardone est encore plus cadrée qu’une des miennes.
Pour détruire vite mes ennemis les plus puissants, que sont mauvaises et vieilles habitudes des maîtres, je dois absolument maîtriser mon sujet.
C’est une expérience longue de la haute compétition, du commandement et de l’enseignement, qui m’a apporté les outils nécessaires pour obtenir cette maîtrise, que de multiples témoignages attestent, au grand dam de ma modestie.

6. manipulations physiques

Observer un dresseur en action, ou un maître qui sait se faire obéir, en croyant ainsi comprendre comment dresser son propre chien, cela revient à vouloir apprendre à conduire une voiture simplement en regardant le conducteur pendant qu’il roule sur la route. On peut ainsi tout juste grappiller quelques pièces du puzzle…Le dressage du chien et l’apprentissage de son maître réclament de ma part une action mécanique envers l’un comme envers l’autre. J’amène physiquement le chien à se coucher, à marcher à côté de moi, à obéir, à rester à courte distance pendant les promenades. Je joue personnellement le rôle du chien tracteur quand j’enseigne au maître comment agir sur sa laisse. Je mets la main sous la joue du maître pour lui montrer ce que le chien ressent en fonction des différentes actions de mes doigts. J’oblige manuellement le maître à se tourner vers son chien, même de loin.
Par ces diverses actions manuelles, le maître comprend dans son être profond comment le chien fonctionne. Il révise ainsi ses croyances et ses représentations d’autrefois. Ceci est indispensable pour passer aux points 7 à 9.

7. thèmes des tentatives de solution & demi-tours

Mon principe essentiel consiste à montrer que le chien, comme tout être vivant, fonctionne sur des directions simples, génératrices de plaisir puis de bonheur.
Si on m’amène un animal à problèmes, il faut que, pendant son apprentissage, j’accompagne le maître à effectuer un certain nombre de révisions déchirantes, de « demi-tours». Par exemple à ne plus crier pour faire taire le chien. A ne pas fuir les problèmes, mais au contraire à y plonger en agissant désormais dans le bon sens. A cesser de donner des ordres en cascade. A passer de la colère ou de l’énervement à une formule de contrôle de soi !

8. implication du client

Les maîtres arrivent généralement persuadés que le dresseur va seul dresser son chien. Mais rien de solide ne peut être construit si le maître reste uniquement spectateur du travail de l’expert. Donc il faut que le propriétaire du chien soit présent, actif, mentalement et souvent physiquement, pendant toute la durée du dressage effectué par moi, et qu’ensuite il prenne seul en charge la conduite de son chien, d’abord en double commande en ma présence, puis lâché en solo.
Il doit aussi s’engager personnellement dans la durée, afin de maintenir, ou, mieux, d’améliorer les résultats obtenus.

9. changements & crises

Un changement représente un stress chez l’animal, au moment où il doit abandonner une situation confortable, car habituelle, pour une situation inconnue. Pour dépasser ce sentiment de confort, s’il constitue le socle d’un comportement néfaste, je déclenche donc obligatoirement au moins une situation de conflit entre le chien et moi, afin de m’installer clairement en position de chef de meute.
Vive la faute, à condition de bien réagir en face d’elle.
Chez le maître également, il s’agit de passer à des mécanismes nouveaux, dès les premières minutes d’un stage. C’est difficile, je le sais.

10. éthique & déontologie

Il ne faut ni tricher, ni masquer, ni éviter les difficultés. Cette honnêteté, pas toujours facile à déployer, permet de récolter des résultats sains.
Je n’hésite ainsi pas à agir parfois très puissamment sur un chien difficile, quand je pense qu’il est de mon devoir de le faire. J’ai ainsi sauvé des centaines de chiens de l’euthanasie.
Je ne rechigne pas non plus à parler plus fort à un client s’il persiste, par timidité ou nonchalance, dans ses fonctionnements destructeurs.
Je m’insurge à chaque fois que je vois s’installer une carrière de victime, chez le chien comme chez son maître. Je suis là pour élever, pas pour accepter les abandons, physiques ou mentaux. Quitte à me plonger les mains dans le cambouis. Mais sans jamais frapper ni crier.
Et, comme par miracle, les résultats sont prodigieux. Au début, ce qui m’étonnait, c’était que ma méthode fonctionnait sur tous les chiens. Après, qu’elle fonctionnait si vite. Et maintenant, c’est qu’elle fonctionne avec tous les dogmasters que j’ai formés ! Sauf avec certains chiens, les vrais dangereux, que je continue à réorganiser moi-même. Mais ça ne durera pas. Dans 50 ans, je n’en serai plus capable. Je pense.
Michel Hasbrouck


***bonjour Michel
Très instructif ce que j’ai lu de toi hier soir, sur les différentes approches.
Très instructif, clair, pouvant être effectivement creusé avec l’aide de personnes comme Alain.
Cependant, sans toi et ton filtrage, ton expérience, ta vulgarisation du texte et ta grande technicité, tout ceci n’est que bavardage.
La preuve, sans ton concours, sans toi, ils en seraient encore au même point, car même si toutes ces réflexions, ces recherches, ces constatations contribuent à faire avancer les choses, il leur manque les outils pour résoudre les gros problèmes du chien.
Un peu comme le forgeron, qui autrefois, selon ce qu’il avait à réaliser, fabriquait ces outils, adaptés exactement à la demande. Il ne les trouvait nulle part ailleurs !
Valérie Bon, dogmaster, Paillart

***Bonjour M. Hasbrouck,
Tout d’abord merci pour vos conseils concernant l’agility, ils me sont précieux et me permettent d’éviter un certain nombre d’erreurs.
C’est avec un grand plaisir que je vous fait parvenir un résumé explicatif du concept de théorie naïve.
Dans sa vie quotidienne l’homme tente de fournir des explications causales aux différents événements qu’il rencontre. Ces explications sont nécessaires, elles sont fabriquées par des processus inconscients dans le but de prévoir le monde.
Pour illustrer le concept de théorie naïve je vais m’appuyer sur la théorie naïve de « l’esprit du chien ». Les gens se font une idée du fonctionnement mental du chien, il ne s’agit bien sûr pas d’une théorie de la “psyché du chien” au sens scientifique du terme, mais d’un ensemble d’explications pour rendre compte de façon isolée de divers comportements que peut manifester un chien, sans même chercher à vérifier si ces explications « tiennent la route » dans le monde réel.
Une théorie naïve est partagée par un grand nombre d’individus dans la société.

Ainsi dans la théorie naïve du chien on trouve diverses explications : « l’agressivité du chien est due à sa race », « les molosses sont des mangeurs d’enfant », « la muselière rend le chien agressif », « les gros chiens sont plus agressifs que les petits », « le chien obéît à son maître pour lui faire plaisir », « Le chien n’obéit qu’à son maître », « Le chien ne pense qu’avec son ventre », « les chiens sont des animaux ils peuvent être victimes de coup de folie, on ne sait pas ce qui leur prend et d’un coup ils mordent”, « certains chiens ne préviennent pas avant de mordre », « un chien qui aboie est un chien qui va mordre », « un chien est méchant ou non c’est dans sa nature ainsi le chien de mon voisin est méchant on ne pourra jamais rien en faire, en revanche mon chien est d’une nature douce et il ne mordra jamais » etc…
Il y a des centaines d’explications de ce type qui ne sont ni cohérentes entre elles ni cohérentes avec le monde (ce sont toutes les fausses idées que vous tentez de détruire dans l’esprit de vos clients) mais elles participent toutes de la “théorie naïve du chien” .
Vous l’avez compris ces théories sont dites naïves car non scientifiques nous en avons tous dans un certain nombre de domaines, nous nous appuyons dessus dans notre vie quotidienne.
Il existe des processus mentaux qui sont liés aux théories naïves :

1. le processus de confirmation des impressions : c’est un processus qui fait que nous avons tendance à négliger les informations qui contredisent notre théorie naïve, et à ne prendre en compte que les informations qui vont dans le sens de notre théorie naïve – il vous a fallu vous extraire de ce processus pour réaliser que frapper le chien le pousse à mordre –

2. l’erreur fondamentale d’attribution : elle consiste à attribuer les causes d’un événement aux dispositions internes des acteurs plus qu’aux circonstances. Ainsi on entendra souvent que le chien qui a mordu l’enfant a mordu parce qu’il est méchant, non parce qu’il s’est trouvé dans une situation où il s’est senti en danger (coincé sous une table par exemple). Bien entendu dans le cas d’une morsure les explications sont plus complexes mais cela explique pourquoi tant de clients viennent vous voir en disant : « mon chien est méchant » et que vous constatez en moins d’une minute de test de comportement que ce n’est pas le cas, et que le problème est ailleurs dans la relation de domination entre le maître et le chien en l’occurrence.

Les théories naïves sont extrêmement résistantes car nous nous en servons au cours de notre développement pour parvenir à la capacité de produire de vraies théories scientifiques à l’âge adulte.
Bien entendu le concept de théorie naïve est plus complexe, il est difficile de l’exposer rapidement et de façon claire dans un langage simple non technique.
J’espère que cette explication vous aidera dans votre travail.
Je suis à votre disposition pour tout autre renseignement qui puisse vous être utile et que je serais susceptible de vous fournir.
Merci pour votre travail il a changé mon quotidien.
Bonjour à Philippe Mongrolle qui avait fait le test de comportement de Juillet la première fois que je suis venu aux Essarts – je dois dire qu’il m’avait bluffé -, ainsi qu’à Norbert Riserole.


*** Bonjour Michel, en français, les théories naïves, cela s’appelle les croyances. Certaines sont limitantes, d’autres renforcent la confiance en soi.
Comme l’affirme Jonathan, elles sont auto-validantes : chacun ne perçoit que ce qui confirme ses propres croyances.
D’où l’intérêt de travailler sur les croyances.
J’ai passé quelques heures avec Jonathan à discuter de l’épistémologie sous-jacente à ta méthode, en répondant à ses nombreuses questions. Amicalement, Alain

 ***Bonjour Alain,
Tu as passé quelques heures avec lui à discuter de l’épistémologie sous-jacente à ta méthode, en répondant à ses nombreuses questions. 
Pourrais-tu, si tu le veux bien, m’expliquer cette notion « d’épistémologie sous-jacente » et la développer un peu, pour la profane que je suis ?
Merci beaucoup, Valérie Bon

***Bonjour Valérie,
En occident, il y a deux perceptions des sciences :
A – Les modèles analytique, linéaire et disjonctif :

analytique : quand je ne trouve pas une explication, il faut diviser le problème pour analyser chacune de ses composantes ;

linéaire : il est nécessaire de trouver la cause pour expliquer l’effet ;

disjonctif : le contraire du vrai est faux et réciproquement.

B – Les modèles circulaire, systémique et constructiviste

circulaire : il n’est pas possible de distinguer l’effet de la cause ;

systémique : c’est le contexte, le système, qui donne du sens ;

constructiviste : chacun construit sa propre réalité à partir de ses ressentis.

Depuis Descartes, les modèles analytiques dominent le monde des sciences, physiques et humaines.
Depuis 1950, les modèles systémiques dominent le monde des sciences physiques. Ces modèles se répandent progressivement dans les sciences humaines.


Nous avons donc parlé avec Jonathan des caractéristiques des modèles systémiques, et en quoi la méthode développée par Michel peut être relue selon ces modèles.
Par exemple, l’observation du comportement du chien détermine certains choix du dresseur.
L’effet (le comportement du chien) a donc une incidence sur la cause (le comportement du dresseur). C’est la mise en évidence du caractère circulaire de cette méthode.
Par exemple, le fait de chercher la faute pour mieux la réguler ; par exemple la composante relationnelle qui est au centre de la méthode ; par exemple le fait que cette méthode s’adresse à tous les chiens sans leur attribuer d’étiquette.
Une vision purement linéaire consisterait à dire : j’applique telle séquence pendant tant de minutes, tant de fois, pour obtenir tel comportement.
Au plaisir de te revoir, Alain.

***bonjour Alain
Si je t’ai bien compris, Michel a donc deux approches, deux modèles, systémique et circulaire ; un ensemble = observation (systémique), composé d’un sous-ensemble (circulaire) = passage à l’action, à l’intervention ?
Je ne sais pas si je suis bien claire, à défaut d’être juste dans le raisonnement…
Valérie Bon

***bonjour Valérie
C’est moi qui n’ai pas été clair.
D’un côté les approches analytiques, de l’autre les approches systémiques.
J’ai donné les attributs principaux de ces deux approches : analytique, linéaire & conjonctif versus systémique, circulaire & constructiviste
L’approche de Michel par rapport aux chiens peut être relue de manière systémique : elle présente des caractères systémiques, circulaires, interactionnels, paradoxaux, …
Amicalement, Alain


***Bonjour M.Hasbrouck,
Il est clair que la notion de théorie naïve présente un intérêt pour vos clients et leur chiens, c’est la raison pour laquelle je vous ai parlé de ce concept la dernière fois que nous nous sommes vus.
Je suis tout à fait d’accord avec vous en ce qui concerne les politiques ainsi que les média.Je vous expliquerai plus tard en quoi les média peuvent cependant servir notre cause en ce qui concerne les théories naïves.
Comme le dit Alain Brisach, les théories naïves sont des croyances non subordonnées au doute.
Michel, votre concept de dressage tendresse a deux objectifs complémentaires : obtenir une évolution positive chez le maître et le chien, puis assurer que cette évolution soit certaine, visible par tous, et durable dans le temps.
Bien entendu dans votre travail quotidien vous remplissez déjà ces objectifs, il s’agit ici simplement de chercher à mieux les atteindre encore (et c’est je crois le but de votre requête concernant les théories naïves).
Le premier objectif est complexe. Je vais m’y attaquer par un travail de recherche et de réflexion sur la littérature actuellement disponible sur le sujet en psychologie.
Ce travail présente un avantage pour moi, puisque dans le cadre d’un cours de psychologie du développement, je doit étudier les théories naïves du monde biologique chez les enfants de 4 et 5 ans.
Je suis en troisième année de licence. Cette année universitaire est divisée en deux semestres, au cours du second semestre il nous est demandé de faire un travail de recherche appelé TEL (Travail d’Etude de Licence).
Votre requête ainsi que mon projet de devenir dogmaster m’amène donc à envisager de faire une demande exceptionnelle au département de psychologie de l’université afin de consacrer ce TEL à l’étude de « l’acquisition du comportement de renforcement positif systématique par l’homme ».
Mon second objectif consiste à étudier la difficulté qu’ont les gens à féliciter abondamment leurs chiens, et quels procédés pourraient provoquer de manière rapide et constante ce comportement du « Mmmmh c’est bien mon chien ». »
Votre travail et vos questions sont pour moi une source d’enthousiasme, et une aide précieuse dans l’avancée de mon projet professionnel.
Merci pour tout. Jonathan Deniel

***bonjour Jonathan
Pour le sujet qui t’intéresse, il existe le livre « idées reçues en éthologie canine », d’Olivier Ezvan, qui peut constituer une première base. Le livre « le loup & le chien & l’homme », de Bernard Belin, offre un aperçu de l’image du chien au travers des âges.
D’autres voix se sont élevées depuis longtemps à propos du sujet qui t’intéresse. Depuis quelques années j’ai notamment  réuni quelques livres sur les chiens, l’éthologie.
Et de manière plus théorique, j’aurais envie de te poser une question naïve (excuse-moi pour ce trait d’humour trop tentant ) : que penses-tu du risque de choisir une idée dans une approche et une autre dans une autre approche, sans en vérifier la compatibilité au préalable ?
Que penses-tu de choisir un cadre épistémologique de référence, et de s’y tenir (analytique, systémique) ? Cela fait-il sens pour toi ? Comment pourrais-tu t’y prendre ?
Cordialement, Alain

***bonjour Alain
Merci pour cette bibliographie, elle pourra servir de base de travail. Votre remarque concernant le choix d’un cadre théorique de référence est tout à fait pertinente, et j’y ai pensé bien sûr, mais il ne s’agit pas pour moi de prendre une idée dans une approche puis une autre dans une autre, car il est en effet fort probable que des incohérences se forment au sein de la conception qui en résultera.
Je veux plutôt chercher à identifier les recoupements entre différents cadres théoriques (ainsi Piaget a-t-il utilisé les concepts kantiens et les groupes mathématiques pour élaborer sa théorie du développement cognitif de l’enfant).
Il s’agit d’une démarche exploratoire, il est fort probable qu’à l’issue de cette démarche il me faudra effectivement choisir le cadre théorique qui colle le mieux aux nouveaux éléments découverts.

On peut aussi penser à l’approche intégrative en psychologie clinique, approche qui prône le choix du cadre théorique le plus adapté au patient. Cette approche, intelligente, me pose le problème de l’expertise dans les différents cadres théoriques utilisés.En résumé votre question soulève un problème auquel je suis confronté et qu’il faudra que je résolve d’une manière ou d’une autre.
Merci, Jonathan


***bonjour Jonathan
je rebondis sur votre exemple.
L’usage de la théorie des groupes doit-elle être interprétée comme une métaphore, ou comme un cadre théorique strict ?
L’usage de la théorie des groupes nécessite-t-il l’usage complémentaire de la théorie des types logiques ?
En parallèle du cadre théorique choisi, quelle démarche « clinique » souhaitez-vous mettre en œuvre ?


Je pars de l’hypothèse que le chien, c’est facile une fois que Michel vous a transmis son savoir-faire…


Comment souhaitez-vous accueillir un client ?
En quoi vous paraît-il utile de remettre en cause les théories naïves du client, voire les théories naïves populaires ?
En quoi cela rend-il le client plus mobilisé pour accepter un changement de comportement qui le concerne directement ?
Comment rendez-vous votre client autonome en vous présentant ainsi comme un expert ?
Comment gérez-vous la cohérence entre le comportement que vous adoptez vis-à-vis du client, et celui que vous souhaiteriez qu’il adopte vis-à-vis de son chien : est-il performant, est-il cohérent de remettre en cause les théories naïves du client, ce qui peut engendrer une escalade verbale quand vous lui demandez de complimenter son chien ? Autrement dit, de quelle manière pouvez-vous complimenter votre client ?
Voici quelques une des questions que je souhaite vous poser pour soutenir la démarche que vous entreprenez.
Cordialement, Alain


*** Bonjour Michel votre dressage-tendresse a su créer un outil pour aspirer son chien à soi, et se donner toutes les chances, en plus de la télépathie, de former un binôme homme-chien parfait, du moins dans l’intention.
Parfait, enfin, n’exagérons rien…
C’est pourquoi j’ai précisé « dans l’intention », car nous savons bien que la perfection n’existe pas ici-bas ! On peut vouloir s’en rapprocher, tout au plus…
« La leçon doit être, pour le cheval comme pour le cavalier, un exercice salutaire, un jeu instructif qui n’amène jamais la fatigue. »  un peu comme avec un enfant ; enseigner, éduquer sur une base ludique, sans réticences ni crispations, afin d’obtenir une obéissance sans efforts physiques conséquents, avec le plus d’économies dans la gestuelle.
Oui, mais pas sans contrainte quand il le faut, sinon l’enfant, comme le chien, part en vrille tôt ou tard
C’est évident, oui ! Un bel exemple, les enfants de beaucoup de soixante-huitards…
Vous avez beaucoup pris au monde du cheval : « Placer avant de déterminer, sinon attendre tout du hasard. »  
« Il est rare que les défenses aient d’autres causes que la faiblesse du cheval ou l’ignorance du cavalier. »
« L’éperon est un rasoir dans les mains d’un singe. » Et que dites vous, Michel, à la place d’éperon ?
Je pense aux coups et aux hurlements.
Non, je pensais à une phrase que vous dites souvent, « un collier électrique est un rasoir entre les mains d’un singe », concernant l’éducation d’un chien.
A la fin de votre stage, tout ceci nous semble évident ! Il fallait « juste » que quelqu’un nous explique…
J’ai ramé pour apprendre à trouver cette explication, et la servir sous une forme assez digeste…
Mais comment se fait-il alors que personne n’ait vu avant, est-ce possible que les professionnels, pas seulement les professionnels, bien sûr, mais les professionnels ont le « nez dedans » et ils n’ont rien flairé…
Avez vous vu le film “danse avec lui” ? Valérie Bon


*** bonjour Valérie
Une seule explication : Michel est un précurseur. Non, un héritier filtreur.
On le comprend lors de son stage durant lequel il fait le difficile travail (un de plus) de synthétiser au maximum, et ce, en un jour et demi, ce qu’il lui incombe de nous transmettre, à nous, les maîtres dans l’ignorance et bien souvent le désarroi ! Jonathan Deniel


***bonjour Jonathan. Merci de comprendre cela, mais Alain a poussé jusqu’à m’expliquer que mon travail était beaucoup plus moderne – et classique, donc moderne – que je le croyais. MH 

***bonjour Valérie. Cette similarité dans le discours est incroyable ! Tout porte à croire que l’acquisition d’une réelle et profonde expertise dans le domaine du dressage passe par la réalisation et la compréhension d’un certains nombre de principes fondamentaux de la communication “vraie’ entre un maître et son animal.

Je viens de voir le film “Danse avec lui”Outre son côté romanesque, on retrouve un peu le discours de Michel. Je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle avec ce que j’avais vécu au cours du dressage de mon fox Juillet. Jonathan Deniel


***Bonjour Michel, je viens d’avoir ma première réunion avec le professeur chargé d’encadrer mon travail d’étude de licence sur “l’acquisition du comportement de félicitation systématique des chiens par leur maîtres”.Le travail promet d’être passionnant et peut-être porteur autant d’un point de vue pratique que théorique (je croise les doigts en espérant obtenir des résultats concluants). Je vous tiendrai au courant de l’avancement de l’étude au cours des prochains mois. Merci pour votre soutien. Jonathan